
2025 - 2026
LE PROJET ET LES PARTENAIRES
L’objectif principal de ce projet est d’améliorer la prise en charge globale des patients atteints d’amélogénèse et de dentinogénèse imparfaites (AI et DGI). Ceux-ci sont en effet nombreux à expérimenter une errance diagnostique et thérapeutique altérant souvent leur qualité de vie ainsi que celle de leurs entourages proches.
Ce projet a reçu le soutien financier de la Fondation Maladies Rares, pour une durée de 18 mois.
Du point de vue méthodologique, notre projet repose sur la combinaison de plusieurs méthodologies :
- recueil et analyse des récits de vie, de la qualité de vie et des trajectoires de soins par la méthode des entretiens individuels (médecine narrative) ;
- évaluation de la démarche diagnostique et thérapeutique des professionnels de santé concernés (médecins généralistes, pédiatres, chirurgiens dentistes et pédodontistes) par le biais d’enquête par questionnaire au niveau national.
In fine, notre projet vise en la conception de deux outils : (1) un dispositif numérique (i.e., un site Web) à destination des professionnels de santé, des patients et familles de patients, pour aider tous les protagonistes à mieux orienter le diagnostic, réaliser les démarches administrative et connaître les trajectoires de soins possibles ; (2) un outil fiable et valide d’évaluation et de suivi de la qualité de vie des jeunes patients atteints d’amélogénèse et dentinogénèse imparfaites (AI et DGI). Cet outil permettra de sensibiliser les praticiens aux répercussions de ces pathologies sur a qualité de vie des patients et de dépister la nécessité d’un suivi psychologique car, en plus des traumatismes physiques, l’AI, la DGI et leurs prises en charge peuvent entraîner des traumatismes psychologiques chez les jeunes patients.
Le projet intègre les partenaires suivants dont les compétences sont parfaitement complémentaires :
- Le Laboratoire de Psychologie et Neurosciences de l’Université de Lorraine (2LPN, UR 7489) en particulier avec le Dr Aurélie MAILLOUX (Docteure en psychologie, Praticienne Hospitalière en Orthopédie Dento-Faciale, porteuse du projet, membre du CCMR O’Rares de Reims coordonné par le Pr Gellé) et le Prof. Jérôme DINET (Professeur de psychologie) ;
- L’association AMELOGENESE FRANCE, par la voix de sa Présidente, Mme Laurence CHEVALIER ;
- Le laboratoire INSPIIRE (pour « Interdisciplinarité en santé publique, interventions et instruments de mesures complexes), unité mixe Université de Lorraine et INSERM (1319), en particulier avec le Prof. Cyril TARQUINIO (Professeur de psychologie) et le Dr Christine ROTONDA (épidémiologiste, Cheffe du pôle Recherche du Centre Pierre Janet))
Notre projet s’inscrit dans l’axe 4 de l’AAP « Maladies rares & SHS » : e-santé, usage des outils et nouvelles technologies numériques dans les maladies rares.
OBJECTIFS PRINCIPAUX ET SECONDAIRES
Notre question de recherche est la suivante : comment lutter contre l’errance diagnostique et l’errance thérapeutique des jeunes patients atteints d’amélogenèse imparfaite (AI) et de dentinogenèse imparfaite (DGI) ? L’objectif principal de notre projet de recherche est d’améliorer la prise en globale des patients atteints d’AI et de DGI.
Pour atteindre cet objectif principal, trois objectifs intermédiaires seront atteints :
- Objectif secondaire #1 : Définition, quantification et qualification des trajectoires de vie et de soins. Le contenu et la structuration de ce site Web ne pourront être définis qu’après une analyse fine des trajectoires de vie et parcours de soins des jeunes patients atteints d’AI et de DGI, en prenant en compte les perspectives et représentations mentales de toutes les catégories de protagonistes (patient, parent, pédiatre, dentiste libéral, professionnel en milieu hospitalier, professionnel de CCMR). L’analyse des trajectoires de vie, dans une approche de médecine narrative, permettra d’extraire les facteurs saillants selon chaque protagoniste ;
- Objectif secondaire #2 : Validation d’une échelle francophone d’évaluation de la qualité de vie des enfants atteints d’AI et DGI. Dans une démarche de co-conception impliquant les patients et leurs entourages familiaux et en se basant sur certains outils existants (mais non validés auprès des enfants et/ou non validés en langue française), notre projet permettra de construire un outil fiable et valide d’évaluation de la qualité de vie des patients, notamment des plus jeunes. Cet outil pourra permettre (i) de dépister la nécessité d’un suivi psychologique des patients ; (ii) de sensibiliser les praticiens au retentissements potentiels de ces pathologies sur la qualité de vie globale et les comportements de santé des patients.
- Objectif secondaire #3 : Co-conception itérative du site Web. Conception et déploiement d’un site Web à destination de tous les protagonistes concernés par l’AI et la DGI (patient, parent, pédiatre, dentiste libéral, professionnel en milieu hospitalier, professionnel de CCMR) afin de limiter l’errance diagnostique et l’errance thérapeutique. Le site Web ne sera réellement utilisé et accepté que si tous les protagonistes concernés par l’AI et la DGI sont impliqués dans la co-conception dudit site Web. Cette conception centrée-usagers est celle qui garantit le plus sûrement un usage important et fréquent de l’outil co-conçu (Bauchet, Hubert & Dinet, 2020 ; Dinet, 2020 ; Dinet, Bauchet & Hoareau, 2019 ; Mailloux, 2022).
INTERETS SCIENTIFIQUES ET DE SANTE PUBLIQUE
Comme le rappelait le Prof. Jean-Pierre Grünfeld (Président de de la Fondation Maladies Rares) dans l’avant-propos des résultats issus de l’enquête Erradiag, sur l’errance diagnostique dans les maladies rares (2016) : « réduire l’errance (parfois dénommée « odyssée ») diagnostique est un des vœux principaux des personnes atteintes de maladies rares, de leurs familles et de leurs soignants. Dénommer la maladie et confirmer le diagnostic sont la première étape pour espérer, maintenant ou plus tard, un traitement. C’est aussi la condition pour pouvoir rejoindre celles et ceux touchés par la même maladie, la première étape du « faire Association ».
Notre projet s’inscrit dans cet objectif puisqu’il consiste à quantifier et qualifier la trajectoire de vie des jeunes patients atteints d’AI et de DGI, en nous intéressant particulièrement à leur qualité de vie et aux facteurs pouvant expliquer l’errance diagnostique selon les différents protagonistes concernés (patient, parent, pédiatre, dentiste libéral, professionnel en milieu hospitalier, professionnel de CCMR).
In fine, notre projet vise à contribuer à l’amélioration de la qualité des vie des patients et de leurs entourages proches, en y associant tous les protagonistes directement concernés par ces pathologies (dentistes, pédiatres, pédodontistes, chirurgiens-dentistes, …). Se basant sur une approche dite de « médecine narrative et humaniste », notre projet permettra de donner la parole aux patients et à toutes les personnes les entourant afin de quantifier et de qualifier les facteurs responsables de ces errances (diagnostique et thérapeutique), puisque ce sont bien les trajectoires de vie des patients qui sont au coeur de notre projet. Sur la base des données quantitatives et qualitatives, un site Web sera conçu, accessible gratuitement par tous les patients, leurs familles et par tous les professionnels de la santé pour aider à la guidance des patients, notamment les plus jeunes. De plus, notre projet permettra d’aboutir à la création d’un outil standardisé et validé permettant d’évaluer la qualité de vie des patients atteints d’AI et de DGI, notamment des plus jeunes.
Notre projet PErrADI est d’autant plus important pour les patients qu’il a été démontré que les expériences négatives vécues durant l’enfance, notamment liées à l’errance diagnostique et thérapeutique, peuvent avoir des répercussions tout au long de la vie. En effet, de nombreuses recherches ont été menées sur l’impact négatif à long terme des expériences adverses durant l’enfance (Adverse Childhood Experiences en anglais ou ACEs ; Felitti et al., 1998). L’adversité vécue durant l’enfance peut être définie comme des « événements vécus durant l’enfance, de sévérité variable et souvent chroniques, survenant dans l’environnement familial ou social d’un enfant, qui causent un préjudice ou de la détresse et perturbent ainsi la santé et le développement physique ou psychologique de l’enfant » (Kalmakis & Chandler, 2014). De plus, selon Alhowaymel, Kalmakis et Jacelon en 2021, les expériences adverses durant l’enfance sont « influencées par des facteurs culturels, sociaux, environnementaux et économiques globalement divers qui affectent la santé des individus dans le monde entier » (Alhowaymel et al., 2021).
La communauté scientifique s’est rapidement saisie de ce champ de recherche prometteur, permettant de disposer aujourd’hui d’une littérature florissante sur les liens existants entre le vécu d’adversité durant l’enfance, le développement de facteurs de risques et la survenue de problématiques de santé à l’âge adulte (Bergen et al., 2004; Felitti et al., 1998; Fergusson et al., 2013). À ce titre, des études se sont focalisées sur des dimensions spécifiques liées à la santé : les troubles anxieux et dépressifs (Merrick et al., 2017), l’asthme (Exley et al., 2015), le diabète (Huang et al., 2015), la douleur (Nelson et al., 2017), les maladies cardiovasculaires (Bellis et al., 2015 ; Campbell et al., 2016), ou encore le cancer et ses facteurs de risque (Ports et al., 2019 ; Steel et al., 2020). Il apparaît que le vécu d’adversité vécu durant l’enfance est associé à un risque plus important de développer un trouble dépressif durant l’enfance, l’adolescence, et surtout à l’âge adulte (Chapman et al., 2003 ; Cougle et al., 2009, 2010 ; Fergusson et al., 2013 ; Green et al., 2010). Les personnes ayant été exposées à de l’adversité vécue durant l’enfance à un âge précoce présentent une plus grande sensibilité aux situations stressantes (Smid et al., 2013).
Dans une étude récente, un chercheur de l’université du Michigan Lee (2019) a évalué l’impact des événements défavorables de l’enfance, tels que les traumatismes, les abus et le tabagisme, sur la santé bucco-dentaire à un stade ultérieur de la vie. L’étude indique que, même si les enfants grandissent en surmontant l’adversité de l’enfance, les traumatismes qu’ils subissent au début de leur vie les exposent à un risque plus élevé de perte de dents. Il apparaît dans ce travail que les effets de ces expériences adverses durant l’enfance sur la santé bucco-dentaire sont à prendre en compte. Lee (2019) a par ailleurs constaté que les traumatismes et les abus subis pendant l’enfance pouvaient avoir un impact à long terme sur la perte totale des dents. En outre, les résultats suggèrent que les adultes plus âgés courent un risque plus élevé de perte totale de dents s’ils ont subi des événements négatifs tout au long de leur vie. Lee pense que les événements défavorables susmentionnés pourraient avoir un impact sur la perte de dents par le biais de voies socio-comportementales. Par exemple, les enfants maltraités peuvent être plus susceptibles d’adopter des comportements négatifs en matière de santé, tels que la consommation excessive d’alcool, de sucre ou de nicotine, qui peuvent à leur tour contribuer à la perte de dents. Le stress pourrait également jouer un rôle important dans l’impact du contrôle inhibiteur du cerveau, ce qui peut conduire à la dépendance à la nicotine. Enfin, les traumatismes subis pendant l’enfance peuvent avoir un effet négatif sur l’apprentissage et la réussite, et les personnes ayant un faible niveau d’éducation peuvent être moins susceptibles d’occuper un emploi offrant une assurance dentaire, selon l’étude.
LE TRANSFERT VERS D’AUTRES MALADIES RARES ?
Le projet PErrADI pourra très aisément être transféré vers d’autres pathologies de deux manières complémentaires :
- d’une part, d’autres pathologies touchant la sphère orofaciale, telles que la MIH (hypominéralisation molaires-incisives), sont également concernées par une errance diagnostique et thérapeutique qui peut être très longue. Ces autres pathologies pourront donc bénéficier de la méthodologie déployée dans le projet PErrADI (entretiens individuels des patients et de leurs famille/enquête par questionnaires des praticiens concernés), afin d’identifier les causes des errances diagnostiques et thérapeutiques selon les points de vue des différents protagonistes concernés ;
- d’autre part, l’un des objectifs du projet PErrADI est de concevoir un outil d’évaluation de la qualité de vie des patients, notamment des plus jeunes. Par-delà l’amélogenèse imparfaite (AI) et la dentinogenèse imparfaite (DGI), cet outil pourra facilement être utilisé pour évaluer et suivre la qualité de vies des jeunes patients dans d’autres pathologies, cet outil pouvant permettre également de dépister la nécessité d’un suivi psychologique des jeunes patients en complément des prises en charge médicales.
